Présentation de la conférence

Les technologies du diagnostic prénatal (DPN) se sont imposées comme une étape quasi incontournable du suivi des grossesses. Mises au point pour détecter des malformations fœtales sévères, elles permettent aux femmes et aux couples qui en font la demande d’interrompre la grossesse ou de se préparer à l’arrivée d’un enfant malade ou handicapé. Elles permettent aussi, pour des malformations moins sévères,  d’anticiper des interventions thérapeutiques précoces et d’orienter les femmes vers les unités les mieux adaptées.

Lorsqu’il est implanté à la fin des années 1960 aux USA et en Europe, le DPN s’inscrit ouvertement dans des politiques de santé visant la prévention des malformations à la naissance. L’arbitrage entre deux risques : le risque de mettre au monde un enfant malformé et le risque de perdre un enfant sain, induit  par le geste invasif associé à sa pratique, a durablement contribué à orienter les modalités du suivi des grossesses. Avec le passage à la « modernité thérapeutique », caractérisé par la montée de la réflexion bioéthique, les mobilisations collectives pour les droits des malades et des personnes handicapées, le contexte cognitif et moral accompagnant les pratiques cliniques et les discours officiels s’est transformé. La rhétorique qui entoure le DPN est passée du domaine de la santé publique et de la prévention des handicaps à celui, privé, de l’autonomie des couples et de la « logique du choix ».

Les deux journées du colloque croiseront les perspectives de chercheurs, de professionnels et de représentants d’associations, pour éclairer la manière dont l’évolution de l’offre technologique, l’encadrement par les politiques de santé et les normes professionnelles, organisent les pratiques du DPN et infléchissent les expériences de la grossesse.

Les pratiques professionnelles seront abordées sous différents angles : celui de la globalisation de l’innovation technique, de la circulation des savoirs et des savoir-faire et les manières dont ils s’ancrent dans des contextes locaux d’organisation des soins en périnatalité ; celui  des arrangements que les praticiens du champ mettent en place pour se conformer aux exigences d’une médecine fondée sur les preuves, d’une démocratie sanitaire et d’une juridicisation de la pratique clinique. Une large place sera faite aux points de vue  des femmes et des couples amenés à prendre des décisions difficiles en contexte de grande incertitude, à leurs expériences cognitive, morale et émotionnelle.  On s’intéressera aussi aux manières dont un signe biomédical ou clinique conduit à anticiper l’expérience du handicap ainsi qu’à ce que les pratiques du DPN révèlent des représentations du handicap.

Les connaissances et expériences partagées dans le cadre du colloque permettront de saisir comment les pratiques cliniques quotidiennes du suivi des grossesses sont travaillées par des tensions induites par des attentes normatives scientifiques et éthiques, d’une part, des contraintes organisationnelles, d’autre part, qui redéfinissent les enjeux de la relation de soins, avec l’espoir que les conclusions produites permettront d’élargir un débat social encore trop confiné aux experts médico-scientifiques et administratifs. 

Illustration: By Anne Mousse (Own work) [CC0], via Wikimedia Commons

   

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